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typographie - Re: le ou la ministre ?

Objet : Liste consacrée aux discussions à propos de la composition et de la typographie

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Re: le ou la ministre ?


Chronologique Discussions 
  • From: Philippe JALLON <panafmed AT worldnet.fr>
  • To: TYPOGRAPHIE Distribution List <typographie AT dns.irisa.fr>
  • Subject: Re: le ou la ministre ?
  • Date: Sat, 10 Jan 1998 20:29:54 +0100 (MET)

Jacques André demande :

>Le ou la ministre ?

LA ministre, sans la moindre hésitation.

Personnellement, j'estime que la légitimité linguistisque de nos quarante
ringards en habit vert a ses limites. N'oublions pas que l'Académie fut
créée à une époque où l'on ressentit la vitale nécessité, pour notre
langue, d'en « fixer » certaines normes ; face à l'invraisemblable
diversité des parlures et des graphies, il semblait alors louable
d'accorder les violons de tous. Cette époque est désormais révolue : le
besoin normatif se fait moins crucial, d'autant que le « Français moyen » -
cette expression n'existait pas au XVIIe siècle, puisqu'elle a été
inventée, si ma mémoire est bonne, par Édouard Herriot - possède une
connaissance - aussi superficielle soit-elle - de sa langue bien supérieure
à celle qu'avaient ses lointains ancêtres. Donc, la nécessité de conserver
à notre langue des gardiens du temple aussi réactionnaires que les Quarante
et (dans une moindre mesure) le Conseil supérieur de la langue française,
cette nécessité, dis-je, n'est plus aussi impérieure que jadis.

>Je dois vous avouer m'en moquer encore que je ne comprenne pas pourquoi
>l'Aca ne veut pas de la ministre - je
>comprendrais à la riguer pour la professeuse qui n'est pas très heureux,
>(pardon heureuse).

L'immobilisme de l'Académie est d'autant plus étrange que cette vieille
dame reste l'une des dernières institutions francophones qui professent
encore une telle intransigeance. Déjà, ces braves gens avaient brandi leur
épée lorsque fut publiée la circulaire du 11 mars 1986 « relative à la
féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre » (J.O. du 16
mars 1986). Ce texte imposait notamment, à l'État comme à l'ensemble de ses
serviteurs et de leur production écrite, « l'emploi d'un déterminant
féminin : une, la, cette » pour « les noms terminés à l'écrit par un "e"
muet », qui « ont un masculin et un féminin identiques : une architecte,
une comptable... »

On ne saurait donc être plus clair. La circulaire de 1986 a évoqué en
premier lieu la féminisation de ces mots épicènes car c'était là le cas le
plus facile à résoudre... mais aussi l'un des plus ardus à mettre en
application auprès d'une fonction publique dont on sous-estime trop le
conservatisme sexiste.

Quelques cas de féminisation ne se résolvent pas sans une légère hésitation
préalable. Au sujet des noms masculins qui se terminent en « eur » (à
l'exclusion de la terminaison en « teur »), la circulaire précise que « si
le verbe de base est reconnaissable », ils ont « un féminin en "euse" : une
vendeuse, une danseuse... » En revanche, précise la circulaire, « si le
verbe de base n'est pas reconnaissable, que ce soit pour la forme ou le
sens, il est recommandé, faute de règle acceptée, d'utiliser un masculin et
un féminin identiques : une proviseur, une ingénieur, une professeur...»
Sauf erreur de ma part, la circulaire se contredit : le « verbe de base »
de « professeur » n'est-il pas « professer » ? Le cas échéant (verbe
reconnaissable), il faudrait donc dire « professeuse », aussi peu
euphonique que cela paraisse.

Bien évidemment, la brièveté de la circulaire de 1986 n'a pas permis
d'entrer dans les détails. Elle laissait notamment dans l'ombre certains
cas pour lesquels une féminisation au pied de la lettre engendre un
résultat sémantique que le bon sens interdit. Ainsi ne parlera-t-on pas
d'UNE chancelière - fût-elle pantouflarde :-))) - ni d'UNE entraîneuse de
sport - même si elle arrondit ses fins de mois dans un bordel :-D

Comme la langue française ne se limite pas aux rives de la Seine, on notera
que les entités politiques du Nord à forte majorité (Québec) ou minorité
(Belgique, Suisse) francophone ont toutes adopté des règles de féminisation
à faire pâlir les Quarante ! Cette remarque concerne aussi la plupart des
organisations internationales du système onusien, ainsi que de nombreuses
organisations internationales privées.

Mais les Quarante ont un soutien de poids, grâce à l'Afrique noire. A
commencer par le doyen de l'Académie française, Léopold Sédar Senghor, et
son pays, le Sénégal, plus conservateur encore en ce domaine que son
ancienne puissance tutélaire. Pour la plupart, les autres pays africains
montrent autant de frilosité sur ce sujet. Il faut bien avouer que les
Africains figurent dans le peloton de tête du machisme, ceci expliquant
peut-être cela. Mais quand même, les Quarante ont là un soutien de poids -
au moins démographique ;-)

>Mais ce qui me fait hurler, c'est que France 3,
>pour ne citer que la chaîne de télé que j'ai vue  hier soir,
>écrive en sous-titre lors du journal de 19h30 : « Le ou la Ministre ?
>[...] Ministre de l'Enseignement Supérieur [...] » !
>Est-ce qu'un jour la télévision française apprendra à écrire le
>français, je veux dire à composer correctement les textes autrement
>qu'avec les seules 26 lettres de l'alphabet américain ?

Apparemment, les traminots parisiens de la ligne 47 ont trouvé une
alternative : ils neutralisent (???) l'impérialisme américain grâce à la
fureur technocratique de la RATP :-)))))) Résultat : suite à des jets de
pierre, ils ont cessé le travail « le Jeudi 08 Janvier 1998 ».
Comme les protes ne sont pas toujours matinaux, ils ont laissé passer ça.
Moralité : difficile de convertir les protes aux horaires (protozoaire)
matinaux :-)))))


Philippe JALLON 
panafmed AT worldnet.fr
Directeur de la publication / Chief Editor    Médias interAfrique
(magazine mensuel / monthly publication)
Adresse / Address
10, place du 19-Mars-1962 - 93100 Montreuil - FRANCE
Phone/fax : +33 1 55 86 06 06





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