Re: Mal armé, qui comme Alice...

[Thierry Bouche <Thierry.Bouche AT ujf-grenoble.fr>]

» Le fait que GB ait aimé le _Coup de dés_ est-il un hasard ?

C'est une épineuse question. Surtout si tu me la poses...


Je suis certain par exemple que les pubs ibm qu'on voyait partout l'an
dernier étaient « inspirées » du coup de dés (tu sais, il y avait deux
séquences : une phrase courte en gros caractères, dont les mots
étaient individuellement les éléments d'un texte plus détaillé, en
plus petit caractère). De là à encenser ibm...

On peut aussi voir le _Coup de dés_ comme la littérature déposant ses
armes aux pieds de la typographie, s'y asservissant, réduisant
finalement son texte à un rôle d'accessoire, à la façon des paroles
d'une chanson, dont seule la valeur sonore serait prise en compte (ici
couler des lambeaux de texte pour endosser des rôles typographiques
prédéfinis). À observer les descendances suscitées, on s'aperçoit
qu'il y a une divergence d'interprétation à ce sujet : d'un côté, une
sorte de fétichisation de la lettre aboutira au lettrisme, aux jeux
typographiques formels à travers lesquels la littérature, le Livre
mallarméen s'est dissout ; d'un autre côté, une littérature qui a
élargi ses moyens pour atteindre une expressivité maximale, démesurée,
faisant feu de tous bois, dépassant les seuls artifices de la
typographie pour exploiter tous les champs expressifs disponibles (les
_Cantos_ de Pound sont presque exemplaires de cette longue évolution
d'un poème épique en vers qui intègre peu à peu les langues, les
idéogrammes, des hiéroglyphes ou des pictogrammes ; mais aussi les
oeuvres plus récentes de J.-F. Bory (qui est intervenu au colloque
Mallarmé, si le docteur ne Mabuse), de Julien Blaine, etc.).

Brèfle, la typographie du _Coup de dés_ est une chose probablement
trop sérieuse pour rester aux seules mains des typographes.

Thierry Bouche, Grenoble.

« Il s'agit de donner une redingote à ce qui est, 
     une redingote mathématique. »    Georges Bataille, « L'informe ».