Objet : Liste consacrée aux discussions à propos de la composition et de la typographie
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- From: Thierry Bouche <thierry.bouche AT ujf-grenoble.fr>
- To: typographie AT w3ext.irisa.fr
- Subject: Re: Re : [typo] accent
- Date: Tue, 24 May 2005 11:38:23 +0200
- Organization: Institut Fourier
Le mardi 24 mai 2005 vers 04:27:16, Jean-François Roberts écrivait :
JF> Ça reste parfaitement lisible, et non ridicule. Encore une fois, votre
idée
JF> de la "cohérence" veut en fait tout ramener sous une unique catégorie,
sans
JF> comprendre que le signe alphabétique recouvre plusieurs catégories, qu'il
JF> convient de traiter de façon différenciée - a fortiori si on considère le
JF> type de document : un formulaire des douanes, un dictionnaire usuel ou un
JF> recueil de poèmes n'ont absolument pas à se plier à un carcan unique, pour
JF> ce qui est de la marche typo (la liste des types de documents est en
réalité
JF> bien plus étendue, bien entendu).
Vous m'avez presque compris, oui. Il y a des cercles concentriques de
règles : l'orthographe s'applique à tout texte, qu'il soit un traité
international ou une lettre d'amour. Le code orthotypographique
s'applique à tout imprimé. Les marches sont destinées à régler les
doutes au jour le jour dans une entité éditoriale donnée, en fonction de
ce qu'elle produit. Les styles de mise en pages sont le seul domaine
dans lequel la créativité absolue est permise.
En Espagne, les deux premières catégories sont plus ou moins confondues
dans l'esprit des gens du métier (la place des capitales dans les noms
d'institutions ou les titres cités, la forme des abréviations relèvent
de l'orthographe). En France, on considère que la graphie 16ème n'est
pas une faute d'orthographe, mais une faute de typo. Du coup elle est
minorée et affaire d'experts, et c'est idiot.
Je ne suis pas pour l'annulation des marches et l'adoption de directives
jacobines prescrivant toutes les règles. Je suis simplement pour que les
règles qui assurent une cohérence à l'ensemble des corpus imprimés, et
qui ne posent aucun problème d'application (à part la compétence des
protes de plus en plus rares) ne soient pas relativisées par des
marches absurdes. Au risque de me répéter : parce que la régularité des
pratiques est au bénéfice du lecteur.
Cette hiérarchie allant de l'intangible au coup par coup est à mon avis
l'immense valeur du projet de J.-P. Lacroux. Son système de points
précisant pour le lecteur ce qu'il ne peut pas s'amuser à modifier et ce
qui est sujet à discussion en fonction du contexte.
>>
>> Ensuite, il existe beaucoup de « marches » selon les époques et les
>> technologies, qui consistent à n'accentuer que certaines voyelles dans le
>> tout-cap (souvent, on ne verra que l'accent grave ou aigu sur un E, plus
>> rarement des circonflexes, jamais de À, etc.).
>>
JF> Tout cela n'a rigoureusement rien à voir avec la "technologie"
Bon. La décision, si elle fut jamais prise, d'avoir quelques capitales
accentuées dans la casse parisienne peut effectivement être vue comme le
minimum vital pour la compréhension du tout-cap à une époque donnée. Il
n'empêche que, du coup, le recours au casseau pour les autres, quand
elles ont été fondues, représente une surcharge de travail pour le
compositeur, donc un coût. La fragilité des accents crénés est aussi à
prendre en compte. Et les machines anglo-saxonnes à l'époque de la
composition industrielle des journaux. Le fait qu'un typo aille simuler
des accents avec un l ou un v ne vous laisse pas imaginer que la
technologie de la casse qu'il a sous les mains lui facilite le travail ?
je suis bien d'accord qu'il est tout à fait impossible de dire
aujourd'hui si le dogme que vous essayez de nous faire avaler (il y a
des raisons physiologiques sémantico-sensorielles qui font que
l'accentuation des capitales abîme la rétine et ternit le cristallin)
est une variante du « trop verts et bons pour les goujats » inventé a
posteriori parce que ces accents ont trop cassé les pieds des gens qui
devaient en faire quelque chose.
JF> Mais bien entendu, l'aspect visuel de la chose vous échappe, dès
JF> lors qu'on touche à votre sacro-sainte "cohérence"
l'aspect visuel de la chose ne m'échappe pas. Ce qui vous échappe, c'est
la force de vos habitudes. Il est très net que les capitales accentuées
arrachent les yeux des gens de votre génération. Ils ont toujours vécu
là-dedans, si on leur dit « du passé faisons table rase », ils crient à
l'assassinat. Prenons les chiffres elzéviriens : je suis sûr que vous
les jugez dérangeants dans toutes les applications sérieuses. Un jeunot
qui aura appris à lire dans Emigré aura les mêmes difficultés avec les
chiffres anglais, non ?
L'argument sur la laideur du À me fait bien rire. Qui est perturbé par
la forme ridicule d'un 4, d'un g ?
JF> Non : il vous faut prétendre que le parti que vous condamnez serait dû à
des
JF> "contraintes technologiques" (lesquelles ?) :
je n'ai pas prétendu cela, j'ai mis les difficultés technologiques au
titre des causes de l'état de fait.
JF> ce postulat posé, vous pouvez conclure paresseusement que,
JF> maintenant que l'ordinateur existe, ces marches n'ont plus lieu
JF> d'être.
En effet. Elles n'ont plus de raison d'être, elles sont d'ailleurs
condamnées à court terme, l'affaire d'une ou deux générations
d'enseignants.
JF> Si vous aviez passé quelques années dans les
JF> ateliers de labeur, vous auriez une vision plus réelle de la chose.
c'est possible. Cela ne revient-il pas à dire qu'il y a des contraintes
professionnelles qui pèsent dans les choix que l'on fait ? En proposant
de remplacer « technologique » par « sociologique », je n'ai pas
l'impression que vous nous convainquiez que c'est le service du lecteur
qui a déterminé les choix du passé que vous cherchez à justifier.
JF> J'aimerais vraiment bien savoir ce que la notion de "républicanisme" vient
JF> faire ici ???
ça a été dit par Goudal sous une autre forme. Le système que vous nous
décrivez est monstrueusement complexe à produire (cf. vos ennuis de
production) et à décrypter (puisque après quelques kilo-octets
d'explications de votre part, nous sommes quelques uns à ne toujours pas
voir comment on fait pour savoir dans quels cas une absence d'accent sur
une capitale signifie la présence d'un accent évident donc inutile ou
l'absence d'un accent). S'il faut quinze ans de formation et de pratique
pour lire une publication officielle de la République, elle ne s'adresse
pas au citoyen. C'est une forme de rétention du savoir, donc du pouvoir,
par une caste.
JF> Enfin je rêve, ou c'est vous qui délirez ? Il y aurait des
JF> marches typo aristocratiques ? nazies ? prolétariennes ? Et pourquoi pas
des
JF> marches catholiques ? protestantes ? juives ? musulmanes ? athées ?
JF> capitalistes ?
Vous pensez que les choix de présentation d'un texte sont neutres ?
JF> Et c'est vous, qui plus est, qui en seriez juge ???
jamais dit ça. Je peux avoir une opinion, qui vaut ce qu'elle vaut. Mais
j'essaie en effet de tirer la discussion vers ce débat, qui me semble
autrement plus amusant que la question des capitales accentuées.
JF> Ici encore, votre argutie est de pure mauvaise foi. Ou, plus probablement,
JF> elle procède d'une ignorance complète de ce qu'est le travail dans des
JF> conditions industrielles - qui plus est dans des conditions qui, au JO,
vont
JF> en se dégradant rapidement. Ce sont là en effet des conditions techniques
:
JF> mais vous en êtes superbement inconscient.
donc : les problèmes technologiques sont à balayer d'un revers de main,
mais les problèmes techniques sont à prendre en considération ?
JF> A cet égard, vous me faites penser aux universitaires qui excipent de
telle
JF> ou telle édition imprimée de l'ouvrage d'un grand auteur, pour en tirer
des
JF> conclusions (éventuellement par comparaison avec une version manuscrite)
sur
JF> le travail opéré par ce dernier au niveau de la graphie, de la
ponctuation,
JF> ou de la syntaxe - sans jamais être effleurés par l'idée que, entre le
JF> manuscrit et l'imprimé, il y a eu (pendant des siècles) bien des
JF> intervenants obscurs et des procédures discrètes pour déterminer la forme
JF> finale du texte imprimé. Pendant quelques décennies, il était de notoriéte
JF> publique, chez les correcteurs et typos, que les romans de Georges
Simenon,
JF> en particulier, étaient (très) largement mis en forme en préparation de
JF> copie et sur épreuves... par les correcteurs (et non par je ne sais quel
JF> secrétaire d'édition, encore moins un directeur de collection), dont le
nom,
JF> bien entendu, n'apparaîtra jamais (disons que les correcteurs, en
JF> l'occurrence, ont été les nègres de Simenon - aux antipodes d'un Balzac,
JF> donc, ce dernier reprenant toujours lui-même ses épreuves, au grand
JF> désespoir de son éditeur, d'ailleurs).
On a dit du Grevisse qu'il enregistrait les coquilles des grands
écrivains... Vous vous trompez de cible, je suis l'un des rares de mon
espèce à militer pour la reconnaissance du rôle des protes et pour
garder une chaîne éditoriale complexe qui conserve son rôle de médiation
entre l'auteur et son lecteur par un travail de relecture et de
correction.
Thierry Bouche
- Re: Re : [typo] accent, (suite)
- Re: Re : [typo] accent, Michel Guillou, 24/05/2005
- Re : [typo] accent, Jean-François Roberts, 24/05/2005
- Re : [typo] accent, Didier Pemerle, 24/05/2005
- Re: Re : [typo] accent, Isabelle Dutailly, 24/05/2005
- Re : [typo] accent, Jean-François Roberts, 24/05/2005
- Re: Re : [typo] accent, Pierre-Yves Montéléon, 24/05/2005
- Re: Re : [typo] accent, Isabelle Dutailly, 24/05/2005
- Re: Re : [typo] accent, Pierre-Yves Montéléon, 24/05/2005
- Re: Re : [typo] accent, Isabelle Dutailly, 24/05/2005
- Re: Re : [typo] accent, Éric Boissicat, 24/05/2005
- Re: Re : [typo] accent, Thierry Bouche, 24/05/2005
- Re : [typo] accent, Jean-François Roberts, 20/05/2005
- Re : [typo] accent, Philippe Jallon, 20/05/2005
- DSAMBIGUSEZ !, Thierry Bouche, 24/05/2005
- RE: [typo] DÉSAMBIGUÏSEZ !, Armelle Domenach, 24/05/2005
- Re: [typo] DÉSAMBIGUÏSEZ !, Jean-François Roberts, 24/05/2005
- Re : [typo] accent, Jacques Melot, 24/05/2005
- Re : [typo] accent, Jacques Melot, 24/05/2005
- Re: [typo] accent, Thierry Bouche, 20/05/2005
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