Objet : Liste consacrée aux discussions à propos de la composition et de la typographie
Archives de la liste
- From: Jacques Melot <jacques.melot AT isholf.is>
- To: typographie AT listes.irisa.fr
- Cc: St�phane De Becker <stephane.debecker AT brutele.be>
- Subject: Re: [typo] nombres et traits d'union
- Date: Tue, 1 Nov 2005 09:33:52 +0000
Title: Re: [typo] nombres et traits d'union
Le 11/1/05, à 9:17 AM +0100, nous recevions de Stéphane
De Becker :
Jacques Melot :
laurence de lalu :
Je brûle de parsemer les mots suivants d'élégants traits d'union, ai-je
raison ?
SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE AU CAPITAL DE VINGT DEUX MILLE HUIT
CENT SOIXANTE SEPT EUROS ET TRENTE CINQ CENTIMES
La réponse ici : http://graner.net/nicolas/nombres/nom.php.
Je ne recommanderais pas ce site, du moins pas sans réserve, et
ce, pour la raison suivante : si vous tapez 1000 000 000 000, il vous
dit qu'il s'agit d'un billion, un bien mauvais conseil !
C'est la nouvelle numérotation : 10 exposant 12 = un billion (anciennement
un trillion).
Mais pour savoir où placer les traits d'union, le site offre certaines
facilités.
D'où ma réponse nuancée.
Pour ce qui concerne « billion », nous
venons d'avoir une discussion à ce propos dans un autre forum
(France-langue). Ma conclusion, et je pense qu'elle est ou sera
partagée par beaucoup, est qu'on doit abandonner totalement ce mot,
à cause des confusions qu'il ne peut qu'engendrer. L'erreur numéro
un de la néologie est le changement d'usage : il faut
absolument éviter de reprendre un terme qui a connu un usage large
et persistant dans un autre sens, pour une notion voisine, ce qui est
bien le cas ici, puisqu'elle passe d'un nombre à un autre nombre.
Les botanistes, qui ont a traiter avec rigueur et efficacité une
nomenclature énorme vous le diront : reprendre un nom de plante
ayant connu un usage général sous le prétexte que ce nom n'a pas
été appliqué à la bonne plante, conduit à une catastrophe, à
commencer pour la raison toute simple que le langage a une dimension
diachronique et que l'on ne jette pas l'écrit comme une mouchoir en
papier après s'en être servi. Le billion a été victime de
l'esprit jacobin et ne peut s'en remettre, ne pouvant guère
poursuivre son existence qu'aux États-Unis (et dans les pays qui y
sont étroitement inféodés), eu égard à leur puissance
économique et à leur position dominante, ce qui assure, je pense,
que les perturbations de l'information dues à l'écrit étranger,
en ce qui concerne le billion, y sont négligeables.
Voici ce que j'écrivais il y a quelques jours à
ce propos dans le forum France-langue, avec quelques ajouts pour
Typographie (entre crochets).
Le billion valait initialement un million de millions [clairement défini ainsi, au XVe siècle, par le mathématicien français Nicolas Chuquet, auteur du premier traité français d'algèbre]. Cette valeur, qui avait été fixée à mille millions au XVIIe siècle (valeur qui est directement à l'origine du billion américain [emprunt fait au XIXe siècle]), a été ramenée par décret à sa valeur initiale en 1961 (décret n° 61-501, du 3 mai 1961, Journal Officiel du 20 mai 1961, p. 4587) [laquelle était à nouveau en usage en France depuis 1948].
Le billion n'ayant, pour des raisons historiques, pas la même valeur dans tous les pays, son usage est une dangereuse source de confusion, car il n'est pas toujours possible de contrôler avec certitude ce que ce terme recouvre là où il est employé. C'est notamment le cas en Grande-Bretagne où le billion, qui était le même qu'en France, a, en 1974, sous l'influence des milieux financiers, été ramené officiellement à un milliard par souci d'harmonisation avec les États-Unis. [Ceci est venu régulariser une situation qui avait commencé après la deuxième guerre mondiale.] Depuis, les deux acceptions du terme sont utilisées en concurrence Outre-Manche (le sens nouveau prédomine).
Il y a quelques années, une erreur retentissante s'est produite en Islande où, dans le plus important journal quotidien, l'auteur d'un article avait utilisé le terme billion dans le sens américain, alors que le billion islandais est officiellement le même que le billion français (en Islande, certains milieux, notamment celui de la finance, sont tellement subjugués par les États-Unis, qu'il va de soi qu'ils en adoptent les normes, les conventions, les usages, tout, et sans même en prendre conscience ou comme si cela allait de soi). Quelques pays, dont on n'a naturellement pas en tête en permanence la liste [et dont le nombre va croissant], ont adopté la même convention que les Américains (le Brésil, par exemple, si mes souvenirs sont exacts).
Les échanges internationaux croissant sans cesse, l'usage du billion est désormais déraisonnable et, en France, son emploi est déconseillé (il n'est jamais employé dans les textes officiels [que je sache et sa réapparition récente, qui ne m'étonnerait pas beaucoup, serait à la mesure de la situation de désarroi, pour ne pas dire de décomposition, du pays]). Voyez d'ailleurs la remarque faite dans le Petit Robert :
Les termes billion, trillion, quatrillion, quintillion et sextillion sont à éviter en raison des risques de confusion entre les nouvelles et les anciennes acceptions, encore en usage dans certains pays.
Si les journaux français commencent à réutiliser ce terme, ce que j'ignore, mais qui ne m'étonnerait en rien, alors il s'agit d'un anglicisme patent et des plus pernicieux, qui montre bien l'état de dépendance profonde de ceux qui y recourent. C'est le cas de l'article de Libération cité [fragment reproduit à la fin du présent texte], le terme étant visiblement réintroduit par traduction littérale de l'anglais (trillion est ici l'exemple même du faux ami, lequel a été détecté ici par Yves Maniette).
De manière très générale, l'usage d'un terme dans un sens nouveau, alors qu'il a connu un usage large et persistant dans un sens différent, est a proscrire rigoureusement à cause des confusions qui s'ensuivront nécessairement. Cela est un des grands principes de la nomenclature botanique moderne, la botanique ayant souffert considérablement de ces changements de sens (l'ancien sens et le nouveau se mettent à coexister, ce qui mène à des situations inextricables). Lorsqu'on arrive a prouver que le nom donné à une plante y est appliqué par erreur (et donc que ce nom s'applique en fait à une autre plante) soit on abandonne le nom en renommant ET à la plante mal nommée ET celle à laquelle le nom aurait dû être appliqué, soit on conserve le nom pour la plante mal nommée, donnant un nouveau nom à celle à laquelle le nom aurait dû être appliqué. Cette dernière solution est utilisée lorsque le nom mal appliqué l'a été de manière large et persistante (noms en usage général et connus de tous au moment où l'on parle).
Jacques Melot
http://liberation.fr/page.php?Article=313053&Template=GALERIE&Objet=48554
« Présenté à la presse au Lawrence Livermore National Laboratory, en
Californie, jeudi, BlueGene/L est un supercalculateur capable de réaliser
280,6 trillions (milliers de milliards) d'opération par seconde. »
Pas mal, sauf que mille milliards c'est un billion.
Yves
- [typo] nombres et traits d'union, laurence de lalu, 01/11/2005
- Re: [typo] nombres et traits d'union, Christian Dufour, 01/11/2005
- Re: [typo] nombres et traits d'union, laurence de lalu, 01/11/2005
- Re: [typo] nombres et traits d'union, Serge Paccalin, 01/11/2005
- Re: [typo] nombres et traits d'union, Stéphane De Becker, 01/11/2005
- Re: [typo] nombres et traits d'union, Jacques Melot, 01/11/2005
- Re: [typo] nombres et traits d'union, Stéphane De Becker, 01/11/2005
- Re: [typo] nombres et traits d'union, Jacques Melot, 01/11/2005
- Re: [typo] nombres et traits d'union, Stéphane De Becker, 01/11/2005
- Re: [typo] nombres et traits d'union, Jacques Melot, 01/11/2005
- <Suite(s) possible(s)>
- Re: Re: [typo] nombres et traits d'union, Jean-Marie Schwartz, 02/11/2005
- Re: [typo] nombres et traits d'union, Olivier Berquin, 02/11/2005
- Re: [typo] nombres et traits d'union, Jacques Melot, 02/11/2005
- Re: [typo] nombres et traits d'union, Olivier Berquin, 02/11/2005
- Re: [typo] nombres et traits d'union, Christian Dufour, 01/11/2005
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