Objet : Liste consacrée aux discussions à propos de la composition et de la typographie
Archives de la liste
- From: Jean-François Roberts <jean-francois.roberts AT wanadoo.fr>
- To: <typographie AT listes.irisa.fr>
- Subject: Re: [typo] Point dans les descriptions courtes
- Date: Tue, 06 Dec 2005 06:00:04 +0100
Dire qu'une marche est "affaire de goût" revient à déformer - par
inadvertence, certes - mon propos.
Le goût a fait l'objet de longs développements au XVIIIe siècle, justement.
Mais il s'agissait d'esthétique, au sens de la philosophie de l'art et des
sensations. Dans la langue courante moderne, c'est devenu un simple synonyme
de penchant personnel, plus ou moins arbitraire, subjectif et contingent.
Ce n'est absolument pas de cela dont il s'agit : une *marche* est en général
construite de propos délibéré, en fonction d'impératifs typographiques et
esthétiques (au sens des arts décoratifs ou appliqués), et s'appliquera à
une classe de documents - y compris aux numéros successifs d'une publication
périodique, par exemple, ou aux volumes d'une même collection.
Cette marche pourra donc varier, en fonction du type de document (y compris,
parfois, selon les rubriques d'une même publication !), et selon le
responsable de publication...
Dire que le point final pour les légendes est "affaire de marche" n'engage
donc aucunement mes "préférences" personnelles... Ça veut simplement dire
qu'on peut donner des exemples, et s'accorder sur une solution, en sachant
qu'il n'y aura pas de réponse universellement valable sur ce point. En
particulier, on va le voir, la solution apportée, pour les légendes, peut
même varier, *dans un même document*, selon... le type d'illustration !
Prenons donc un ouvrage qui vient de sortir, _Le Grand Larousse illustré_ en
trois volumes : chaque illustration (photo, infographie) est achevée par un
point final, y compris quand elle se résume à un seul mot (ainsi : le
diagramme de la page 35, avec la légende "Affinité."). En revanche, les
cartes sont pourvues de légendes sans point final - ainsi : "Afrique" (p.
37), "Le partage de l'Afrique" (p. 39), etc.
Dans le _Petit Robert des noms propres_ (éd. 2005), toutes les légendes
prennent un point final, y compris pour les cartes. En revanche, les crédits
photos qui achèvent les légendes ne prennent pas de point final...
Le _Petit Larousse_ (éd. 2005) met le point final aux légendes de dessins ou
d'infographies selon les cas, mais met un point final aux légendes de
photographies - en général... Ainsi, p. 1335 : "Thomas Edison et son
phonographe." mais "Édouard VII" (et "Édouard VI [détail] par Holbein le
Jeune."). Pas de point final pour les légendes de cartes. Pour les dessins
et infographies : pas de point - en général, là encore ! - pour les simples
mentions d'illustrations de zoologie, de botanique, etc. ("langouste", p.
621, ou "lapin domestique", p. 623 ; mais "lamproie. Lamproie de rivière.",
p. 620). Pour les sciences : "latitude", p. 625, mais "laser. Structure et
fonctionnement." p. 624. On comprend que la *structure* de la légende joue
quant à la solution adoptée... (En revanche, on ne comprend pas le point
final pour "effet Doppler." p. 377.)
Mais, s'il s'agit d'une légende structurée en plusieurs parties, on concevra
que la première de ces parties ne constitue en aucun cas un "titre" : il n'y
a pas de "titre" *dans* une légende - la catégorie "légende" englobant
*tout* ce qui figure comme mention hors texte se référant spécifiquement à
une illustration (y compris sous forme de tableau) donnée. Que les parties
en question se succèdent sur plusieurs lignes ne changera rien à l'affaire.
Typiquement, la première partie sera distinguée comme introduction de
l'ensemble de la légende (une "accroche", si on veut, mais strictement
subordonnée à ladite illustration) et mise en évidence par un style
différent (le plus souvent, du gras, mais ça peut être un corps, une police,
une couleur différents, ou toute combinaison souhaitée). Ceci reste vrai si
les différentes parties se succèdent sur une seule ligne, bien évidemment.
Parfois, les premiers mots d'une légende brève (voire le premier mot seul)
seront ainsi distingués, le reste de la légende prenant alors le style
"légende" simple...
Comme vous le voyez, vous avez le choix...
(Revenons un instant à nos publications. Le catalogue de La Redoute, pour sa
part, ne met aucun point final aux légendes, pas plus que le catalogue des
Trois Suisses.)
La meilleure démarche, pour ce type de question, est toujours d'ouvrir des
publications (de bonne facture, si possible !) de caractère proche de celle
qui vous occupe, et de décortiquer les solutions apportées, quitte à faire
votre choix personnel à l'arrivée... Les responsables de publications ne
font, en définitive, pas autre chose...
Pour ce qui est des références orthotypogaphiques, le _Lexique des règles
typographiques_ de l'Imprimerie nationale (la *marche* de l'IN) ne traite de
la question qu'en passant, à l'entrée "figure" (légende avec point final).
Le _Ramat de la typographie_ indique : "On ne met un point aux légendes et
aux exemples que si la phrase est complète."
Le _Guide du typographe_ (romand) traite la question de la même façon (et
avec la même réponse) que l'ouvrage de l'IN.
Pour ce qui est de l'ellipse : si vous voyez une sculpture classique, dans
un musée, par exemple, avec la mention sur le socle "Jules César", nos
tenants de l'ellipse soutiendront que cette mention est en fait une *phrase*
elliptique, phrase bien entendu "normalement" constituée (sujet, verbe,
complément), une fois l'ellipse explicitée... En foi de quoi, ils vous
expliqueront qu'il *faut* impérativement mettre un point final à cette
"phrase", puisque aucune phrase ne peut subsister sans point final... Ergo :
"Jules César." - et que ça saute !
L'ennui, bien évidemment, c'est qu'*aucune* phrase (avec sujet, verbe,
complément) n'est jamais venue à l'esprit ni de l'auteur de la mention
susvisée, ni de ses lecteurs successifs ! Surtout pas une prétendue "phrase"
du type : "Ceci est un buste représentant Jules César." Très précisément, on
doit admettre que seule la mention "Jules César" - qui se suffit à elle-même
- existe, tant matériellement que linguistiquement : si phrase il y a, il
faut se résoudre à admettre que sa structure (lapidaire...) se résume à ces
deux mots, et eux seuls : "Jules César".
Et, en ce cas, on ne voit vraiment pas, si tant est que ça soit une phrase,
pourquoi on voudrait absolument que le point final lui soit consubstantiel.
Disons que c'est un énoncé, et implicitement une proposition (au plan
logique). On peut considérer que c'est aussi une proposition (et donc une
phrase) au plan syntaxique, et donc par extension linguistique. Mais vous ne
verrez en général pas plus de point final à "Jules César" (en ce cas de
figure) qu'à la mythique mention "PALAIS DES CONGRES" (ou "HOTEL DE VILLE",
si on préfère) au fronton de certains édifices publics... Ladite mention n'a
jamais constitué une "ellipse" pour "Ceci est le [ou : "un"] palais des
congrès."
La ponctuation - rappelons-le - n'a aucune valeur *syntaxique*, a fortiori
intrinsèque. Son unique raison d'être est de faciliter la lecture, en
indiquant les articulations du texte. S'il n'y a aucune articulation dans
l'énoncé - comme c'est le cas pour "Jules César" ou "hôtel de ville" -, la
nécessité d'une ponctuation tombe d'elle-même. Ce qui n'interdira pas, bien
entendu, d'indiquer une telle ponctuation, si telle est la marche décidée
pour une publication donnée. D'où les réponses et exemples évoqués.
> De : Clément Mercier
> <clement.mercier AT libertysurf.fr>
> Répondre à :
> typographie AT listes.irisa.fr
> Date : Mon, 5 Dec 2005 20:22:04 +0100
> À :
> <typographie AT listes.irisa.fr>
> Objet : RE: [typo] Point dans les descriptions courtes
>
> Selon vous, c'est affaire de goût ? Voilà qui a le don de faciliter les
> choses, mais qui ne met pas tout le monde d'accord, semble-t-il.
>
> Il y a donc deux écoles, si je comprends bien. Mais pour laquelle opter ?
>
> Philippe Jallon rapportait ce problème à l'ellipse ; a-t-il tort ?
>
> Et si c'est selon la marche que l'on a choisie, avez-vous une préférence ?
>
> Pardonnez toutes ces questions, mais c'est un problème qui me titille depuis
> de longs mois.
>
> Clément Mercier
>
> P.-S : J'ai dû changer mon adresse électronique à cause d'un problème
> technique, ma précédente adresse était bien
> gil-galad AT 9online.fr.
>
>> -----Message d'origine-----
>> De : Jean-Fran ç ois Roberts
>> [mailto:jean-francois.roberts AT wanadoo.fr]
>> Envoyé : lundi 5 décembre 2005 19:26
>> À :
>> typographie AT listes.irisa.fr
>> Objet : Re: [typo] Point dans les descriptions courtes
>>
>> Ce que vous décrivez s'appelle (en jargon terriblement
>> technique, certes)
>> une légende.
>>
>> Ça ne s'assimile donc pas à du texte simple.
>>
>> Savoir si vous mettez un point final ou non aux légendes est
>> une affaire de
>> marche, pas de règles générales. Disons que c'est conseillé
>> en cas de phrase
>> complète normalement constituée. Un simple syntagme (substantif +
>> qualificatif) n'implique en général aucune ponctuation - sauf
>> si c'est la
>> marche que vous souhaitez.
>>
>> Quant à l'argument de l'ellipse, c'est un sophisme qui a
>> connu son âge d'or
>> dans les grammaires générales du XVIIIe siècle, argument
>> depuis longtemps
>> discrédité. Il permettait de ramener toute structure (perçue comme)
>> "déviante" au seul modèle admis, de préférence calqué sur celui des
>> grammaires latines scolaires. L'"ellipse" invoquée pouvant
>> comprendre une
>> ligne ou plus de texte controuvé, pour "expliciter" deux mots...
>>
>> Cf. la citation célèbre de Malherbe (je cite de mémoire...) :
>> "Toute phrase
>> comprend un sujet, un verbe, un complément. Quoi de plus naturel ?"
>>
>>> De :
>>> gil-galad AT 9online.fr
>>> Répondre à :
>>> typographie AT listes.irisa.fr
>>> Date : Mon, 5 Dec 2005 14:51:11 +0100 (CET)
>>> À :
>>> typographie AT listes.irisa.fr
>>> Objet : [typo] Point dans les descriptions courtes
>>>
>>> Bonjour à tous,
>>>
>>> Étant nouveau sur ce forum, je vous salue tous bien bas.
>>>
>>> Et je me permets d'enchaîner tout de suite par une question
>> qui me tarraude
>>> depuis un bon moment.
>>>
>>> Voilà mon dilemme. Sur des fiches publicitaires ou des
>> catalogues commerciaux,
>>> doit-on terminer par un point toute description ou tout
>> commentaire, qui ne
>>> constitue pas une phrase complète (sujet, verbe,
>> complément) et que l'on place
>>> sous la photo d'un produit par exemple.
>>>
>>> Exemple :
>>>
>>> [Photo de la mangue]
>>> Mangue d'Espagne
>>> La meilleure du monde selon beaucoup
>>>
>>> ou
>>>
>>> La meilleure du monde selon beaucoup.
>>>
>>>
>>> Autre exemple :
>>>
>>> [Photo de la clémentine]
>>> Clémentine
>>> Le fruit de Noël
>>>
>>> ou
>>>
>>> Le fruit de Noël.
>>>
>>> En sachant que le commentaire en question n'est pas un
>> titre, a priori en tout
>>> cas, mais une courte présentation.
>>>
>>> Merci par avance pour vos réponses.
>>>
>>> Gil-Galad
>>>
>>
>>
>>
>
>
>
- [typo] Point dans les descriptions courtes, gil-galad, 05/12/2005
- Re: [typo] Point dans les descriptions courtes, Philippe Jallon, 05/12/2005
- Re: [typo] Point dans les descriptions courtes, Jacques Melot, 05/12/2005
- Re: [typo] Point dans les descriptions courtes, Franz Ablitzer, 05/12/2005
- Re: [typo] Point dans les descriptions courtes, Thierry Bouche, 05/12/2005
- Re: [typo] Point dans les descriptions courtes, Jean-François Roberts, 05/12/2005
- RE: [typo] Point dans les descriptions courtes, Clément Mercier, 05/12/2005
- Re: [typo] Point dans les descriptions courtes, Jean-François Roberts, 06/12/2005
- Re: [typo] Point dans les descriptions courtes, Jean-François Roberts, 06/12/2005
- Re: [typo] Point dans les descriptions courtes, Philippe Jallon, 06/12/2005
- Re: [typo] Point dans les descriptions courtes, Jean-François Roberts, 06/12/2005
- Re: [typo] Point dans les descriptions courtes, Philippe Jallon, 06/12/2005
- Re: [typo] Point dans les descriptions courtes, Jean-François Roberts, 06/12/2005
- Re: [typo] Point dans les descriptions courtes, Jean-François Roberts, 06/12/2005
- RE: [typo] Point dans les descriptions courtes, Clément Mercier, 05/12/2005
- Re: [typo] Point dans les descriptions courtes, Philippe Jallon, 05/12/2005
Archives gérées par MHonArc 2.6.16.