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typographie - Re: [typo] « vs » contre « contre »

Objet : Liste consacrée aux discussions à propos de la composition et de la typographie

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Re: [typo] « vs » contre « contre »


Chronologique Discussions 
  • From: Jacques Melot <jacques.melot AT isholf.is>
  • To: typographie AT listes.irisa.fr
  • Cc: Thierry Vohl | Light Motif <thierry.vohl AT online.fr>
  • Subject: Re: [typo] « vs » contre « contre »
  • Date: Sun, 26 Oct 2008 16:22:44 +0000

Title: Re: [typo] « vs » contre « contre »
 Le 2008-10-25, à 22:47 +0200, nous recevions de Thierry Vohl | Light Motif :

« barre d'exclusion vs barre oblique »

Bonsoir.

Limite hors liste, mais il s'agit de sens et n'en sommes-nous pas les supposés gardiens (rien que ça ? !) ?

« vs » est un « anglicisme latinisant » (ou un latinisme anglicisant ?).


[J. M.]   C'est un mot anglais qui, de par sa forme particulière, n'a pas vu son orthographe modifiée. De ce point de vue, il coïncide avec le mot latin emprunté. D'autres mots empruntés directement au latin par l'anglais ont eu moins de chance. C'est le cas de -- je n'ai pas eu à chercher loin -- versute, mais aussi de butter, chalk, cheese, pound, street... Bon nombre ont gardé une orthographe proche ou identique à celle du latin, tels versicolorous, genuine, genius, genus. custody.


Outre l'anglicisme (un de plus), ce qui me gêne, c'est que, faisant usage d'une abréviation, on est censé offrir un raccourci pour aller plus vite au sens. Mais ici, est-ce bien le cas ?


[J. M.]   On peut en effet en douter, car beaucoup de Français comprennent ce versus dans le sens de « par comparaison avec » ou encore « comme alternative à », pas dans le sens concret de « contre ». En français, l'_expression_ « Jospin versus Chirac », contrairement à ce qui serait le cas en anglais, ne sera généralement pas comprise comme « Jospin contre Chirac », à moins de donner à ce « contre » le sens de « opposé à dans un choix envisagé, et donc en comparaison » (ou assimilable). Bref, l'usage de versus dans notre langue mènera souvent à un énoncé compris diversement.

   En français, chez un traducteur qui n'a pas perdu les pédales, versus est traduit de manière variable suivant le contexte. On s'en rend compte en examinant les phrases données en exemple dans les grands dictionnaires bilingues anglais-français : si, traduisant en français ces phrases, on utilisait le mot versus, dans bien des cas on ne se ferait pas comprendre.

   C'est là un bon exemple qui montre que l'emprunt s'accompagne généralement d'une dérive, d'une modification de sens, voire purement et simplement de signification, qui rend caduque la principale justification avancée pour cet emprunt, à savoir que le terme étranger véhicule une nuance que ne peut rendre le français. Cette nuance disparaît souvent avec le temps, généralement très tôt. C'est ainsi que l'anglais « obsolète » (et le dérivé inchoatif « obsolescent ») ne conserve pas en français le sens qu'il a en anglais, produisant en pratique un mot qui non seulement ne manque pas dans notre langue, mais, ce qui est plus grave, qui se substitue en risquant de les rendre caducs à toute une série de mots français de même signification et qui présentent entre eux des nuances, tels démodé, caduc, désuet, passé de mode, dépassé, vieux, usagé, vieilli, vieillot. Dans le sens anglais, un « tracteur obsolète » est un tracteur -- éventuellement flambant neuf -- qui du point de vue technique est dépassé, mais le Français tend à substituer à ce sens un autre qui lui est conceptuellement plus naturel ce qui fait que l'_expression_ en question sera aisément appliquée par lui à un tracteur usagé (indépendamment du fait que les techniques aient évolué ou non). Ce phénomène vaut dans toutes les langues : en danois, par dérive de sens, on appelle du mot français fromage une préparation caséeuse sucrée, un dessert rappelant un peu le fromage blanc et qui tient plus du flanc que du maroilles (cet emprunt et cette évolution de sens se comprend mieux si l'on pense au fromage frais qui, même en France, peut être salé ou sucré). De grands dadais danois incultes rigolent bêtement lorsqu'ils constatent qu'en français nous avons été assez stupides pour appeler « fromage » ce qu'ils appellent ost ! Et pas que des dadais...

   Contrairement à une idée véhiculée sans esprit critique, l'emprunt, sans être linguistiquement contre nature, ne doit être considéré que comme un mécanisme très limité d'enrichissement du vocabulaire. Ce doit être une solution de dernier recours. Il est d'ailleurs des langues qui n'empruntent pas ou pratiquement pas, comme l'islandais. Une langue qui se fige au point de ne plus produire le vocabulaire nécessaire à ses locuteurs est une langue morte, et ce n'est certainement pas l'emprunt massif auquel elle se livre alors qui vient démentir ce fait : bien au contraire, il le stigmatise. Quand on en vient à emprunter mécaniquement, par habitude, sans y trouver rien d'anormal, des mots étrangers pour les substituer à des mots en usage et qui remplissent parfaitement leur rôle, on peut alors parler de décadence.

   Jacques Melot


Ou, au contraire, ne rajoute-t-on pas plutôt un filtre (voir « LTI » de Viktor Klemperer) ?... Les filtres ajoutés sont un travers des modes... Or, la typographie n'est pas moderne.




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