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typographie - Re: Inutile orthotypographie?

Objet : Liste consacrée aux discussions à propos de la composition et de la typographie

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Re: Inutile orthotypographie?


Chronologique Discussions 
  • From: Alain LaBont� <alb AT sct.gouv.qc.ca>
  • To: JD Rondinet <100412.3664 AT compuserve.com>, TYPOGRAPHIE <typographie AT dns.irisa.fr>
  • Cc: france_langue AT culture.fr
  • Subject: Re: Inutile orthotypographie?
  • Date: Thu, 26 Feb 1998 09:12:32 -0500

A 18:16 98-02-25 -0500, JD Rondinet a Ã©crit :

[Alain] :
>-->> On ne met de capitales qu'en début de phrase et sur les noms propres.
>Pourquoi compliquer les choses et risquer de créer chez le lecteur une
>confusion totale ? Il faudra que l'on m'explique plus qu'on l'a fait
>jusqu'ici. <<--

[Jean-Denis] :
>                Mon cher Alain,
>
>        Tu es vraiment bien tombé, en t'inscrivant Ã  notre Â«Â liste », et je
>crois qu'on va pouvoir te prendre sérieusement en main !
>        Car tu ne peux pas continuer d'ignorer qu'il existe une
>« sur-couche » Ã  la simple grammaire (dans toutes les langues, d'ailleurs),
>à laquelle on donne le nom d'orthotypographie, ou de code typographique,
>etc. (on a même vu le mot Â«Â ploutographie » !).
>
>        Cette Â«Â discipline » (dans les trois acceptions du terme, car c'est
>aussi parfois une haire pour nous !) n'est pas pratiquée dans les Ã©coles ni
>dans les facultés, et on n'en fait la connaissance que dans les formations
>de journaliste, de documentaliste et bien sûr de correcteur et de
>typographe (quels que soient les noms dont on peut nous affubler
>aujourd'hui, nous les hommes de l'art dévoués Ã  la mise en forme des textes
>des autres).
>        Ses détracteurs voient souvent l'orthotypographie comme le latin du
>juriste, de Diafoirus ou du curé : ce serait par vaine gloriole et malsaine
>cryptophilie que les professionnels de l'édition protégeraient leur
>prébende grâce Ã  des codifications mystérieuses, absconses et inutiles !
>        Eh bien ! tout au contraire, cette Â«Â sur-couche » que les scribes,
>copistes, typographes, imprimeurs, journalistes, lexicographes... ont
>peaufinée au cours des siècles est destinée Ã  une simplification de la
>lecture, et Ã  l'extermination programmée des malentendus, quiproquos et
>incertitudes dont pourrait souffrir le lecteur. Tout l'inverse de la
>« confusion » que tu crains !
>        C'est par exemple un imprimeur, M. Guillaume, qui créa le
>guillemet, dont on se demande aujourd'hui comment un Ã©crit pourrait se
>passer ! C'est, a contrario, par l'impossibilité de respecter
>l'orthotypographie que le Â«Â courriel », dans son triste Ã©tat ASCII actuel,
>engendre des doutes qu'on cherche Ã  lever de façon bien maladroite
>(« smileys », astérisques, soulignements...).
>
>        Les grands auteurs n'ont d'ailleurs jamais négligé de s'initier aux
>arcanes de l'orthotypographie. Plus d'un a même décidé d'user ses culottes,
>pour le plaisir d'acquérir une connaissance nouvelle qui enrichira son art,
>sur un tabouret de correcteur d'imprimerie (Erasme, Balzac, Hugo,
>Proudhon...). Au sein même de la présente Â«Â liste » se pressent des novices
>qui viennent s'abreuver Ã  notre mamelle* typographique, après avoir connu
>des expériences professionnelles tragiques dues Ã  leur méconnaissance
>fâcheuse de la finesse de la langue imprimée.
>        Les auteurs (qu'ils se consacrent Ã  la poésie ou Ã  l'astrophysique)
>devraient savoir que nous, les typographes-et-assimilés, travaillons dans
>l'ombre pour le bien de leur oeuvre et que les Â«Â dévoués et discrets
>législateurs typographes ne songent certes pas Ã  demander [aux auteurs] le
>sacrifice d'une nuance, si subtile qu'elle soit, de leur pensée » (G.
>Lecomte, de l'Académie française)... 
>        Bien au contraire : je puis, d'une majuscule ajoutée ou retranchée
>-- et qui ne débuterait ni une phrase ni un nom propre, cher Alain --,
>éclairer le lecteur sur la volonté profonde du scripteur (« La majuscule
>est un coup de chapeau », me dit Victor Hugo ; Ã  moi donc de vérifier si
>l'auteur veut encenser ou mépriser) ; d'une abréviation correctement
>orthotypographiée, je puis lever un doute (Mgr, mgr, mg : l'auteur veut-il
>insinuer que même un cardinal ne pèsera un jour que le poids d'une
>poussière ?).
>
>        Et je peux, d'un italique bien placé, Ã©viter des procès, des duels,
>des suicides ! 
>
>        Â«Â La grammaire est la loi de la langue, l'orthotypographie en est
>la jurisprudence. Et si l'orthographe Ã©tait la viande et le légume,
>l'orthotypographie en serait le mijotage... » (V. Serviteur).
>
>                Cordialement,
>                Jean-Denis Rondinet,
>                correcteur-réviseur au Â«Â Figaro » (Paris), professeur
>d'orthotypographie
>
>______________
>* Ce Â«Â sein » et cette Â«Â mamelle » réunis dans une même phrase constituent
>une figure de rhétorique bien involontaire, mais qui, je l'espère, ne
>laissera pas de te réjouir !


   [Alain] :
   Devant ce très Ã©loquent plaidoyer, je ne peux que m'incliner. Vous me
convainquez que l'on aurait intérêt Ã  harmoniser la grammaire avec
l'orthotypographie (je comprend d'après ce que vous Ã©crivez que la
grammaire lui doit d'ailleurs beaucoup d'éléments Ã  retardement). D'ici là,
je ne demande qu'à apprendre. Je crois que votre texte est d'intérêt
public. J'en envoie copie Ã  france_langue, comme vous l'avez vous-même
rendu public en l'envoyant Ã  la liste TYPOGRAPHIE.

Amitiés.

Alain LaBonté
Québec



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