Re: [typo] Tirets cadratin et demi-cadratin

[Thierry Bouche <Thierry.Bouche AT ujf-grenoble.fr>]

Bonjour,


Le mardi 9 août 2005 à 23:47:10, Kristian écrivit :

>>> Parler de l'usage des tirets dans une liste fréquentée par des
>>> typographes, voilà une démarche d'un rare courage !
>> [DL] Ou d'une rare inconscience.

oui, sujet abordé avec vigueur à plusieurs reprises ; il me semble que
la question de fond a été jugée il y a trois ou quatre ans déjà.

La sentence. — la typographie française ne connaît que deux « traits » :
le trait d'union ou div et le tiret ou moins (je mets sur le même plan
les termes div' et moins parce qu'ils ont ici exactement le même
statut : argot de typographe : la division est un caractère différent
du trait d'union, qui utilise le même glyphe ; le moins est un
caractère différent du tiret, qui utilise généralement un glyphe
différent).

Le point important pour la discussion en cours est le singulier :
*le* tiret. En typographie française, c'est le même tiret qui sert
pour tout : dialogues, listes [c'est la même chose], parenthèses,
signe de répétition. Ensuite, c'est une question de goût, de
conscience, de maquette, de choisir le glyphe dudit tiret pour un
travail donné. Je n'ai pas de point de vue pour le Verdana, mais je
peux dire par exemple qu'après pas mal d'essais désagréables, j'ai
plusieurs fois opté pour le tiret 3/4 qu'on trouve dans les polices
'expert' qui s'est avéré d'une graisse mieux adaptée et d'une chasse
tout à fait suffisante, le tiret cadratin étant par exemple dans le
cas de Baskerville monotype beaucoup trop maigre, comme sorti d'une
autre casse. Ce qui correspond d'ailleurs possiblement à l'usage du
temps du plomb (tirets et espaces indépendants de la police). On peut
accuser la maniérisme décadent de la typographie d'aujourd'hui qui
voir le tiret cadratin comme un glyphe à adapter à la police, et à
traiter comme tous les autres glyphes : approches, crénage...

>> Mais c'est sans doute parce que je ne suis pas typographe.
KC> Mais qui l'est encore de nos jours, et parvient à le pratiquer au 
KC> quotidien et sans compromis?

Je dirais en observateur impartial : plutôt des autodidactes fous de
détail et d'exigence, et quelques amateurs éclairés. J'ai l'impression
que la belle typo soignée n'est plus une activité économique. (Je
serais ravi de me tromper.)

>> [DL] Mais le tiret demi-cadratin existe bien.

Les anglais ont un système beaucoup plus compliqué. En particulier, un
tiret mi-long pour les fourchettes : 3–4, cet emploi est un anglicisme
typographique pour nous.

>> Quel est alors son usage ?

Notez que pas mal de vos polices ont un ø, un á, un ð : ç ane vous
oblige pas à les coller dans vos textes français !


KC> Curieux, je me suis penché ce soir dans mes petits grimoires, qui sont
KC> absolument muets sur l'usage du tiret en demi-cadratin. Sans doute son
KC> usage s'est-il imposé ultérieurement... Un éclaircissement s'impose!

il existe un usage disons bureautique du tiret demi-cadratiné : c'est
ce que Lacroux appelait le trait d'union faible (vieux principe à
retenir : plus le trait est long, plus l'union est faible ; le français
n'a donc par défaut que les deux extrêmes : trait d'union pour l'union
forte et durable, tiret pour la coupure totale). C'est ce qu'on
utiliserait dans une construction comme Saint-Denis--Université. En
fait, la typographie française (et moi !) préfère le trait blanchi
(c.-à-d. trait d'union encadré de deux fines).

KC> Quelqu'un parmi nous connaît-il l'usage en vigueur à l'Imprimerie 
KC> Nationale? Voilà qui constituerait un bon benchmark!

Cas d'école amusant : leur _Lexique_ ne parle que *du* « tiret long ou
moins », mais le maquettiste a utilisé le tiret demi-cadratiné d'ITC
Garamond !


 Thierry